Mallarmé, Stéphane
Paris 1842 - Valvins 1898
Bureaucrate puis professeur d'anglais, S. Mallarmé était fasciné par Poe et Baudelaire. Il a consacré sa vie à écrire le livre qui donnerait "l'explication orphique de la terre".
POUR TELECHARGER LES "POESIES" DE MALLARME
|
Apollinaire, Guillaume | Aragon, Louis | Arvers, Félix | Attâr | Banville, Théodore de | Bataille, Henry | Baudelaire, Charles | Beckett, Samuel | Béranger, Pierre-Jean de | Blanchecotte, Augustine-Malvina | Berger, Michel | Bertran, Aloysius | Blandiana, Ana | Boudjedra, Rachid | Brassens, Georges | Breton, André | Cadou, René Guy | Cendrars, Blaise | Césaire, Aimé | Char, René | Chassignet, Jean-Baptiste | Cocteau, Jean | Cohn, Marianne | Coppée, François | Corbière, Tristan | Couté, Gaston | Cros, Charles | Delille, Jacques | Desbordes-Valmore, Marceline | Desnos, Robert | Du Bellay, Joachim | Eluard, Paul | Eminescu, Mihai | Essénine, Serge | Evanturel, Eudore | Farrokhzad, Forough | Ferré, Léo | Fou Tche, Tchaou | Frédérique, André | Garcia Lorca, Federico | Gelade, Serge | Gibran, Khalil | Goll, Ivan | Guillén, Nicolas | Guillevic, Eugène | Hazm, Ibn | Hikmet, Nazim | Hérédia, José Maria de | Hugo, Victor | Jacob, Max | Jammes, Francis | Jouve, Pierre Jean | Khayyam, Omar | Labé, Louise | Lafontaine, Jean de | Laforgue, Jules | Lamartine, Alfonse de | Levey, Henry | Machado, Antonio | Mallarmé, Stéphane | Michaux, Henri | Minh, Ho Chi | Montesquieu (Charles de Secondat) | Moréas, Jean | Musset, Alfred de | Nelligan, Emile | Neruda, Pablo | Nerval, Gérard de | Noël, Marie | Nouveau, Germain | Orléans, René Charles d' | Osmont, Anne | Parny, Evariste | Parra, Violeta | Paz, Octavio | Perse, Saint John | Pessoa, Fernando | Poe, Edgar | Prévert, Jacques | Prudhomme, Sully | Queneau, Raymond | Reverdy, Pierre | Rimbaud, Arthur | Rollinat, Maurice | Ronsard, Pierre de | Rûmî, Djalâl-ud-Dîn | Senghor, Leopold Sedar | Sepehri, Sohrab | Shakespeare, William | Sicaud, Sabine | Supervielle, Jules | Szymborska, Wislawa | Tardieu, Jean | Topârceanu, George | Tzara, Tristan | Valéry, Paul | Verhaeren, Emile | Verlaine, Paul | Vian, Boris | Vivien, Renée | Voiture, Vincent | Whitman, Walt | Yeats, William Butler
Mallarmé, Stéphane
Brise Marine
La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres.
Fuir ! Là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
O nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l'ancre pour une exotique nature !
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être les mâts, invitant les orages
Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots...
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots !
-------------------------------------------------------------------------------
Renouveau
Le printemps maladif a chassé tristement
L'hiver, saison de l'art serein, l'hiver lucide,
Et, dans mon être à qui le sang morne préside
L'impuissance s'étire en un long baillement.
Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
Qu'un cercle de fer serre ainsin qu'un vieux tombeau
Et triste, j'erre après un rève vague et beau,
Par les champs où la sève immense se pavane
Puis je tombe énervé de parfums d'arbres, las,
Et creusant de ma face une fosse à mon rève,
Mordant la terre chaude où poussent les lilas,
J'attends en m'abîmant que mon ennui s'élève...
- Cependant l'Azur rit sur la haie et l'éveil
De tant d'oiseaux en fleur gazouillant au soleil.
-------------------------------------------------------------------------------
Le Guignon
Au-dessus du bétail ahuri des humains
Bondissaient en clartés les sauvages crinières
Des mendieurs d'azur le pied dans nos chemins.
Un noir vent sur leur marche éployé pour bannières
La flagellait de froid tel jusque dans la chair,
Qu'il y creusait aussi d'irritables ornières.
Toujours avec l'espoir de rencontrer la mer,
Ils voyageaient sans pain, sans bâtons et sans urnes,
Mordant au citron d'or de l'idéal amer.
La plupart râla dans les défilés nocturnes,
S'enivrant du bonheur de voir couler son sang,
O Mort le seul baiser aux bouches taciturnes !
Leur défaite, c'est par un ange très puissant
Debout à l'horizon dans le nu de son glaive :
Une pourpre se caille au sein reconnaissant.
Ils tètent la douleur comme ils tétaient le rêve
Et quand ils vont rythmant des pleurs voluptueux
Le peuple s'agenouille et leur mère se lève...
-------------------------------------------------------------------------------
A un mendiant
Pauvre, voici cent sous... Longtemps tu cajolas
- Ce vice te manquait, - le songe d'être avare ?
Ne les enfouis pas pour qu'on te donne un glas.
Evoque de l'enfer un pêché plus bizarre.
Tu peux ensanglanter tes brumeux horizons
D'un rêve ayant l'éclair vermeil d'une fanfare :
Changeant en verts treillis les barreaux des prisons
Qu'illumine l'azur charmant d'une éclaircie,
Le tabac fait grimper de sveltes feuillaisons ;
L'opium est à vendre en mainte pharmacie ;
Veux-tu mordre au rabais quelque pâle catin
Et boire en sa salive un reste d'ambroisie
T'attabler au café jusqu'au triste matin ?
Les plafonds sont fardés de faunesses sans voiles,
Et l'on jette deux sous au garçon, l'oeil hautain.
Puis quand tu sors, vieux dieu, grelottant sous tes toiles
D'emballage, l'aurore est un lac de vin d'or
Et tu jures d'avoir le gosier plein d'étoiles !
Tu peux aussi, pour bien gaspiller ton trésor,
Mettre une plume rouge à ta coiffe ; à complies
Brûler un cierge au saint à qui tu crois encor.
Ne t'imagine pas que je dis des folies :
Que le Diable ait ton corps si tu crèves de faim,
Je hais l'aumône utile et veux que tu m'oublies ;
Et surtout, ne va pas, drôle, acheter du pain !
----------------------------------------------------------------------------
La lune s'attristait...
La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un Rêve au coeur qui l'a cuilli.
J'errais donc, l'oeil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gaté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.
|