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Cros, Charles
Moi, je vis la vie à côté,
Pleurant alors que c'est la fête.
Les gens disent : Comme il est bête!
En somme, je suis mal coté.
J'allume du feu dans l'été,
Dans l'usine je suis poète ;
Pour les pitres je fais la quête.
Qu'importe ! J'aime la beauté.
Beauté des pays et des femmes,
Beauté des vers, beauté des flammes,
Beauté du bien, beauté du mal.
J'ai trop étudié les choses ;
Le temps marche d'un pas normal ;
Des roses, des roses, des roses !
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A ma femme endormie
Tu dors en croyant que mes vers
Vont encombrer tout l'Univers
De désastres et d'incendies ;
Elles sont si rares pourtant
Mes chansons au soleil couchant
Et mes lointaines mélodies.
Mais si je dérange parfois
La sérénité des cieux froids,
Si des sons d'acier et de cuivre
Ou d'or, vibrent dans mes chansons,
Pardonne ces hautes façons,
C'est que je me hâte de vivre.
Et puis tu m'aimeras toujours.
Éternelles sont les amours
Dont ma mémoire est le repère
Nos enfants seront de fiers gas
Qui répareront les dégats,
Que dans ta vie a fait leur père.
Ils dorment sans rêver à rien,
Dans le nuage aérien
Des cheveux sur leurs fines têtes ;
Et toi, près d'eux, tu dors aussi,
Ayant oublié le souci
De tout travail, de toutes dettes.
Moi je veille et je fais ces vers
Qui laisseront tout l'univers
Sans désastre et sans incendie ;
Et demain, au soleil montant
Tu souriras en écoutant
Cette tranquille mélodie.
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Insoumission
Vivre tranquille en sa maison,
Vertueux ayant bien raison,
Vaut autant boire du poison.
Je ne veux pas de maladie,
Ma fierté n'est pas refroidie,
J'entends la jeune mélodie.
J'entends le bruit de l'eau qui court,
J'entends gronder l'orage lourd,
L'art est long et le temps est court.
Tant mieux, puisqu'il y a des pêches,
Du vin frais et des filles fraîches,
Et l'incendie et ses flammèches.
On naît filles, on naît garçons.
On vit en chantant des chansons,
On meurt en buvant des boissons.
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Vocation
Jeune fille du caboulot,
De quel pays es-tu venue
Pour étaler ta gorge nue
Aux yeux du public idiot ?
Jeune fille du caboulot,
Il te déplaisait au village
De voir meurtrir, dans le bel âge
Ton pied mignon par un sabot.
Jeune fille du caboulot,
Tu ne pouvais souffrir Nicaise
Ni les canards qu'encor niaise
Tu menais barboter dans l'eau.
Jeune fille du caboulot,
Ne penses-tu plus à ta mère,
À la charrue, à ta chaumière ?...
Tu ne ris pas à ce tableau.
Jeune fille du caboulot,
Tu préfères à la charrue
Écouter les bruits de la rue
Et nous verser l'absinthe à flot.
Jeune fille du caboulot,
Ta mine rougeaude était sotte,
Je t'aime mieux ainsi, pâlotte,
Les yeux cernés d'un bleu halo.
Jeune fille du caboulot,
Dit un sermonneur qui t'en blâme,
Tu t'ornes le corps plus que l'âme,
Vers l'enfer tu cours au galop.
Jeune fille du caboulot,
Que dire à cet homme qui plaide
Qu'il faut, pour bien vivre, être laide,
Lessiver et se coucher tôt ?
Jeune fille du caboulot,
Laisse crier et continue
À charmer de ta gorge nue
Les yeux du public idiot.
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En cour d'assises
Je suis l'expulsé des vieilles pagodes
Ayant un peu ri pendant le Mystère ;
Les anciens ont dit : Il fallait se taire
Quand nous récitions, solennels, nos odes.
Assis sur mon banc, j'écoute les codes
Et ce magistrat, sous sa toge, austère,
Qui guigne la dame aux yeux de panthère,
Au corsage orné comme les géodes.
Il y a du monde en cette audience,
Il y a des gens remplis de science,
Ça ne manque pas de l'élément femme.
Flétri, condamné, traité de poète,
Sous le couperet je mettrai ma tête
Que l'opinion publique réclame !
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Sonnet
Vent d'été, tu fais les femmes plus belles
En corsage clair, que les seins rebelles
Gonflent. Vent d'été, vent des fleurs, doux rêve
Caresse un tissu qu'un beau sein soulève.
Dans les bois, les champs, corolles, ombelles
Entourent la femme ; en haut, les querelles
Des oiseaux, dont la romance est trop brève,
Tombent dans l'air chaud. Un moment de trêve.
Et l'épine rose a des odeurs vagues,
La rose de mai tombe de sa tige,
Tout frémit dans l'air, chant d'un doux vertige.
Quittez votre robe et mettez des bagues ;
Et montrez vos seins, éternel prodige.
Baisons-nous, avant que mon sang se fige.
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