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Brassens, Georges
La rose, la bouteille et la poignée de main
Cette rose avait glissé de
La gerbe qu'un héros gâteux
Portait au monument aux Morts.
Comme tous les gens levaient leurs
Yeux pour voir hisser les couleurs,
Je la recueillis sans remords.
Et je repris ma route et m'en allai quérir
Au p'tit bonheur la chance, un corsage à fleurir.
Car c'est une des pir's perversions qui soient
Que de garder une rose par-devers soi.
La première à qui je l'offris
Tourna la tête avec mépris,
La deuxième s'enfuit et court
Encore en criant "au secours !"
Si la troisième m'a donné
Un coup d'ombrelle sur le nez,
La quatrièm', c'est plus méchant,
Se mit en quête d'un agent.
Car, aujourd'hui, c'est saugrenu,
Sans être louche, on ne peut pas
Fleurir de belles inconnues.
On est tombé bien bas, bien bas...
Et ce pauvre petit bouton
De rose a fleuri le veston
D'un vague chien de commissaire,
Quelle misère!
Cette bouteille était tombée
De la soutane d'un abbé
Sortant de la messe ivre mort.
Une bouteille de vin fin
Millésimé, béni, divin,
Je la recueillis sans remords.
Et je repris ma route en cherchant, plein d'espoir,
Une brave gosier sec pour m'aider à la boire.
Car c'est une des pir's perversions qui soient
Que de garder du vin béni par-devers soi.
Le premier refusa mon verre,
En me lorgnant d'un oeil sévère,
Le deuxième m'a dit, railleur,
De m'en aller cuver ailleurs.
Si le troisième, sans retard,
Au nez m'a jeté le nectar,
Le quatrièm', c'est plus méchant,
Se mit en quête d'un agent.
Car aujourd'hui, c'est saugrenu,
Sans être louche, on ne peut pas
Trinquer avec des inconnus,
On est tombé bien bas, bien bas...
Avec la bouteille de vin
Millésimé, béni, divin,
Les flics se sont rincé la dalle,
Un vrai scandale !
Cette pauvre poignée de main
Gisait, oubliée, en chemin,
Par deux amis fâchés a mort.
Quelque peu décontenancée,
Elle était la, dans le fossé.
Je la recueillis sans remords.
Et je repris ma route avec l'intention
De faire circuler la virile effusion,
Car c'est une des pir's perversions qui soient
Qu' de garder une poignée de main par-devers soi.
Le premier m'a dit: "Fous le camp !
J'aurais peur de salir mes gants."
Le deuxième, d'un air dévot,
Me donna cent sous, d'ailleurs faux.
Si le troisième, ours mal léché,
Dans ma main tendue a craché,
Le quatrièm', c'est plus méchant,
Se mit en quête d'un agent.
Car aujourd'hui, c'est saugrenu,
Sans être louche, on ne peut pas
Serrer la main des inconnus,
On est tombé bien bas, bien bas...
Et la pauvre poignée de main
Victime d'un sort inhumain,
Alla terminer sa carrière
A la fourrière !
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