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Eluard, Paul
Paul Eluard par Dali
Le jeu de construction
L'homme s'enfuit, le cheval tombe,
La porte ne peut pas s'ouvrir,
L'oiseau se tait, creusez sa tombe,
Le silence le fait mourir.
Un papillon sur une branche
Attend patiemment l'hiver,
Son coeur est lourd, la branche penche,
La branche se plie comme un ver.
Pourquoi pleurer la fleur séchée
Et pourquoi pleurer les lilas ?
Pourquoi pleurer la rose d'ambre ?
Pourquoi pleurer la pensée tendre ?
Pourquoi chercher la fleur cachée
Si l'on n'a pas de récompense ?
-Mais pour ça, ça et ça.
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Chant du dernier délai
Noir c'est mon nom quand je m'éveille
Noir le singe qui me tracasse
Qui grimace moule à manies
Devant le miroir de ma nuit
Noir c'est mon poids de déraison
C'est ma moitié froide pourrie
Noir où la flèche s'est plantée
Où le tison a prospéré
Noir le gentil corps foudroyé
Noir le coeur pur de mon amour
Noire la rage aux cheveux blancs
A la bouche basse et baveuse
Cette envie folle de hurler
Ne cessera qu'avec ma voix
Que sur les charmes de ma tombe
Où viendront pleurer mes complices
Tous ceux qui m'approuvaient d'aimer
Et qui voudraient fêter mon deuil
J'étais construit les mains ensemble
Doublé de deux mains dans les miennes
J'étais construit avec deux yeux
Qui se chargeaient des miens pour voir
Mais aujourd'hui je sens mes os
Se fendre sous le froid parfait
Je sens le monde disparaître
Rien ne demeure de nos rires
Ni de nos nuits ni de nos rêves
Et la rosée est charbonneuse
J'ai trop pleuré la coque est vide
Où ne nous pouvions qu'être deux
Ecartez-vous de ma douleur
Elle vient droit de la poussière
Elle nie tous les sacrifices
La mort n'est jamais vertueuse
Ecartez-vous si vous avez
Envie de vivre sans mourir
Sous vos paupières desséchées
Et dans la boue de vos désirs
Noir un zéro s'arrondirait
Zéro petit et très immense
Qui est capable de gagner
La souveraine part de l'homme
Noir c'est moi seul soyez plus clairs
.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Savoir en trop savoir lyrique
Volupté de se dévêtir
Montre tes seins et ton plaisir
Montre tes yeux silencieux
Devineresse indifférente
Tu connais sagement mon mal
Et ta bouche ne le dit pas
Elle change toujours d'images
Et ne reproduit ses baisers
Que pour alléger l'univers
Je t'en supplie sur mes nuits troubles
Jette le pont de tes regards
Et par l'entremise des sens, peu à peu renaissait la solidarité. Un ami, une amie et le monde recommence, et la matière informe reprend corps. Une ligne droite passa à travers les poitrines. De nouveau, les hommes se ressemblent, et le malheureux se reprit à leur sourire, d'un sourire peut-être moins aimable qu'avant, mais plus juste, meilleur. Il se reprit à imaginer ce que pourraient être ses frères s'ils détruisaient leur solitude. Il entendit gronder le chant qui montait de la foule compacte. Il n'eut plus honte.
Ceux qui l'aimaient étaient légion. Ils allaient boire aux sources, ils travaillaient contre l'effort perdu dans l'ombre. La douleur était surmontée, l'arbre sortait de terre, ses fruits allaient mûrir, tous en seraient nourris.
De quoi se mélaient donc les faiseurs de morale ? Un homme était rendu à ses semblables, un frère légitime.
Laissez-moi donc juger de ce qui m'aide à vivre
Je donne de l'espoir aux hommes qui sont las
Malgré les joies robustes de l'amour
Ils aiment, c'est une couronne
Ils travaillent pour ceux qu'ils aiment
C'est une charge de caresses
Mais ils travaillent aussi pour vous
Toutes les extases de l'amour
N'annulent pas cette fatigue
Qui leur vient du travail en trop
Pour vous qui n'avez rien à faire
Je dénonce l'injustice
Et j'arrache les épines
Je veux effacer les rides
Je parle et la porte s'ouvre
Laissez-moi donc juger de ce qui m'aide à vivre
Mon désir de fraîcheur a consumé les fièvres
Neige sous le soleil je suis né d'une femme
Parfois j'ai sa vertu
Le golfe de son ventre fait les hommes libres
Vivre c'est partager je hais la solitude
Les liens de la mort me retiennent encore
Je n'embrasse vraiment personne comme avant
Le pain était un signe de félicité
Le bon pain qui nous rend plus chaud notre baiser
Le seul abri possible c'est le monde entier
Vivre aujourd'hui pour moi c'est répondre aux énigmes
Et nier la douleur aveugle de naissance
Toujours en pure perte étoile sans éclat
Vivre se perdre afin de retrouver les hommes
Que la pâleur du fleuve efface le ruisseau
Que les yeux merveilleux voient chaque chose en place
La misère effacée et les regards en ordre
Un ordre grandissant de graine ne fleur en arbre
Un vif échafaudage étayant l'univers
L'enfant rajeunissant d'homme en homme et riant.
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L'amoureuse
Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s'engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.
Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s'évaporer les soleils,
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire.
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Je te l'ai dit
Je te l'ai dit pour les nuages
Je te l'ai dit pour l'arbre de la mer
Pour chaque vague pour les oiseaux dans les feuilles
Pour les cailloux du bruit
Pour les mains familières
Pour l'oeil qui devient visage ou paysage
Et le sommeil lui rend le ciel de sa couleur
Pour toute la nuit bue
Pour la grille des routes
Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert
Je te l'ai dit pour tes pensées pour tes paroles
Toute caresse toute confiance se survivent.
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La terre est bleue
La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s'entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d'alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d'indulgence
À la croire toute nue.
Les guêpes fleurissent vert
L'aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.
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La courbe de tes yeux
La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources de couleurs,
Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.
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La bouche aux lèvres d'or
n'est pas en moi pour rire
et tes mots d'auréoles
ont un sens si parfait
que de mes nuits damnées
de silences et de morts
j'entends vibrer ta voix
dans toutes les nuits du monde
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Dit de la Force et de l'Amour
Entre tous mes tourments entre la mort et moi
Entre mon désespoir et la raison de vivre
Il y a l'injustice et ce malheur des hommes
Que je ne peux admettre il y a ma colère
Il y a les maquis couleur de sang d'Espagne
Il y a les maquis couleur du ciel de Grèce
Le pain le sang le ciel et le droit à l'espoir
Pour tous les innocents qui haïssent le mal
La lumière toujours est tout près de s'éteindre
La vie toujours s'apprête à devenir fumier
Mais le printemps renaît qui n'en a pas fini
Un bourgeon sort du noir et la chaleur s'installe
Et la chaleur aura raison des égoïstes
Leurs sens atrophiés n'y résisteront pas
J'entends le feu parler en riant de tiédeur
J'entends un homme dire qu'il n'a pas souffert
Toi qui fus de ma chair la conscience sensible
Toi que j'aime à jamais toi qui m'as inventé
Tu ne supportais pas l'oppression ni l'injure
Tu chantais en rêvant le bonheur sur la terre
Tu rêvais d'être libre et je te continue.
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