Quand Sabine Sicaud est décédée, à l'âge de quinze ans, elle avait déjà écrit la matière de trois recueils.
|
Apollinaire, Guillaume | Aragon, Louis | Arvers, Félix | Attâr | Banville, Théodore de | Bataille, Henry | Baudelaire, Charles | Beckett, Samuel | Béranger, Pierre-Jean de | Blanchecotte, Augustine-Malvina | Berger, Michel | Bertran, Aloysius | Blandiana, Ana | Boudjedra, Rachid | Brassens, Georges | Breton, André | Cadou, René Guy | Cendrars, Blaise | Césaire, Aimé | Char, René | Chassignet, Jean-Baptiste | Cocteau, Jean | Cohn, Marianne | Coppée, François | Corbière, Tristan | Couté, Gaston | Cros, Charles | Delille, Jacques | Desbordes-Valmore, Marceline | Desnos, Robert | Du Bellay, Joachim | Eluard, Paul | Eminescu, Mihai | Essénine, Serge | Evanturel, Eudore | Farrokhzad, Forough | Ferré, Léo | Fou Tche, Tchaou | Frédérique, André | Garcia Lorca, Federico | Gelade, Serge | Gibran, Khalil | Goll, Ivan | Guillén, Nicolas | Guillevic, Eugène | Hazm, Ibn | Hikmet, Nazim | Hérédia, José Maria de | Hugo, Victor | Jacob, Max | Jammes, Francis | Jouve, Pierre Jean | Khayyam, Omar | Labé, Louise | Lafontaine, Jean de | Laforgue, Jules | Lamartine, Alfonse de | Levey, Henry | Machado, Antonio | Mallarmé, Stéphane | Michaux, Henri | Minh, Ho Chi | Montesquieu (Charles de Secondat) | Moréas, Jean | Musset, Alfred de | Nelligan, Emile | Neruda, Pablo | Nerval, Gérard de | Noël, Marie | Nouveau, Germain | Orléans, René Charles d' | Osmont, Anne | Parny, Evariste | Parra, Violeta | Paz, Octavio | Perse, Saint John | Pessoa, Fernando | Poe, Edgar | Prévert, Jacques | Prudhomme, Sully | Queneau, Raymond | Reverdy, Pierre | Rimbaud, Arthur | Rollinat, Maurice | Ronsard, Pierre de | Rûmî, Djalâl-ud-Dîn | Senghor, Leopold Sedar | Sepehri, Sohrab | Shakespeare, William | Sicaud, Sabine | Supervielle, Jules | Szymborska, Wislawa | Tardieu, Jean | Topârceanu, George | Tzara, Tristan | Valéry, Paul | Verhaeren, Emile | Verlaine, Paul | Vian, Boris | Vivien, Renée | Voiture, Vincent | Whitman, Walt | Yeats, William Butler
Sicaud, Sabine
La vieille femme de la lune
On a beaucoup parlé dans la chambre, ce soir.
Couché, bordé, la lune entrant par la fenêtre,
On évoque à travers un somnolent bien-être,
La vieille qui, là-haut, porte son fagot noir.
Qu'elle doit être lasse et qu'on voudrait conna"tre
Le crime pour lequel nous pouvons tous la voir
Au long des claires nuits cheminer sans espoir!
Pauvre vieille si vieille, est-ce un vol de bois mort
Qui courbe son vieux dos sur la planète ronde?
Elle a très froid, qui sait, quand le vent souffle fort.
Va-t-elle donc marcher jusqu'à la fin du monde?
Et pourquoi dans le ciel la traîner jusqu'au jour!
On dort... Nous fermerons les yeux à double tour...
Lune, laisse-la donc s'asseoir une seconde.
---------------------------------------------------------------------
Vous parler ?
Vous parler? Non. Je ne peux pas.
Je préfère souffrir comme une plante,
Comme l'oiseau qui ne dit rien sur le tilleul.
Ils attendent. C'est bien. Puisqu'ils ne sont pas las
D'attendre, j'attendrai, de cette même attente.
Ils souffrent seuls. On doit apprendre à souffrir seul.
Je ne veux pas d'indifférents prêts à sourire
Ni d'amis gémissants. Que nul ne vienne.
La plante ne dit rien. L'oiseau se tait. Que dire?
Cette douleur est seule au monde, quoi qu'on veuille.
Elle n'est pas celle des autres, c'est la mienne.
Une feuille a son mal qu'ignore l'autre feuille,
Et le mal de l'oiseau, l'autre oiseau n'en sait rien.
On ne sait pas. On ne sait pas. Qui se ressemble?
Et se ressemblât-on, qu'importe. Il me convient
De n'entendre ce soir nulle parole vaine.
J'attends, comme le font derrière la fenêtre
Le vieil arbre sans geste et le pinson muet...
Une goutte d'eau pure, un peu de vent, qui sait?
Qu'attendent-ils? Nous l'attendrons ensemble.
Le soleil leur a dit qu'il reviendrait, peut-être...
|