Sepehri, Sohrab
Poète et peintre iranien décédé en 1980. Un seul de ses recueils a été traduit en français pour l'instant : "Les Pas de l'Eau".
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Sepehri, Sohrab
Et le noir et le blanc
C'est le matin.
Le moineau, toute présence,
chante.
L'automne s'effeuille
sur l'unité compacte du mur.
La marche réjouissante du soleil
éveille la corruption
des profondeurs de son sommeil.
Une pomme pourrit
dans l'instance ajourée
du panier.
Une sensation pareille
à l'exil des objets
frôle les paupières.
Entre l'Arbre et le vert épéhémère,
l'azur sans cesse renouvelé
se mêle au désir des paroles.
Mais
ô respect que procure la blancheur immaculée du papier
Le pouls de nos lettres bat
en l'absence même de l'encre du
calligraphe.
Dans la pensée du présent
l'attrait de la forme s'évanouit.
Il faut fermer les livres.
Il faut se dresser
Et marcher sur le prolongement de l'Heure.
Il faut contempler les fleurs,
Prêter l'oreille au silence du mystère,
Courir jusqu'au fin fond de l'Etre.
Il faut répondre à l'appel parfumé de la terre du Néant.
Et atteindre le lieu où se rencontrent l'arbre et Dieu.
Il faut s'asseoir
au seuil de l'Expansion mystique
quelque part entre l'Extase et le
Dévoilement.
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Oasis dans l'instant
Si vous venez me chercher quelque part,
Je serai en un lieu nulle part.
Derrière ce nulle part, il y a quand même quelque part.
Derrière ce nulle part les veines de l'air
Sont pleines de chardons qui nous apportent les messages
De ces fleurs épanouies sur les confins des terres lointaines.
Et le sable porte aussi l'emprunte des chevaux
De ces fringuants cavaliers qui ont franchi à l'aube
Les hauteurs ivres de l'assomption des fleurs.
Derrière ce nulle part, le parasol du désir reste à jamais ouvert :
Et quand le souffle de la soif frémit dans la racine d'une feuille
Les cloches de la pluie se mettent à sonner.
Ici l'homme est tout seul
Et dans cette solitude
L'ombre de l'orme s'étend jusqu'à l'éternité.
Si vous venez m'y chercher,
Venez-vous-en donc lentement et doucement
De crainte que ne se raye
La porcelaine de ma solitude.
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L'exil
La lune flotte au-dessus du village
Tands que dorment les gens.
Etendu sur le toit à la belle étoile
Je me grise des arômes qu'exhale la terre crue de l'exil
La lampe vacille dans le jardin du voisin.
Ma lampe, défaillante, demeure éteinte.
La lune cisèle les contours de l'assiette où veillent les concombres,
Elle découpe le galbe de la cruche de terre.
Les crapauds chantent et parfois
Une chouette des bois.
La montagne est toute proche : derrière les érables, derrière les sorbiers.
Visible aussi le désert argenté.
On n'y voit pas les pierres, on n'y voit pas les épines sauvages.
Au loin chancellent des ombres comme la solitude des eaux,
Comme le chant de Dieu.
Il doit être minuit.
On dirait que la Grande Ourse est à deux pas du toit.
Le ciel n'est pas bleu.
Pourtant le jour l'a été.
Puissé-je me souvenir d'aller demain au jardin de Hassan
Et d'acheter des prunes et des abricots !
Puissé-je me souvenir d'aller demain au bord de l'étang et d'y dessiner les chèvres,
D'y dessiner les roseaux et leurs ombres sur l'eau !
Puissé-je me souvenir de sauver aussitôt tout papillon
qui tomberait par mégarde dans l'eau !
Puissé-je me souvenir de ne rien faire pour troubler la loi de la terre !
Puissé-je me souvenir de laver demain mes linges dans le ruisseau !
Puissé-je me souvenir que je suis seul !
Au-dessus de la solitude flotte la lune.
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