Sayar, Keyvan
Prélude
J'ai la tête en losange
Pourtant je suis carré
Carrément dingue de toi
Toi qu'as des yeux tout ronds
La Lune est un croissant
Et tes joues de brioche
Sucrées comme le printemps
Des bonbons plein les poches
Keyvan Sayar
(23/06/99)
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Une journée épuisée qui couchait son soleil
Les wagons du métro comptaient leurs matricules
Dans les profondeurs grises d'un infini sommeil
Le ciel qui défilait comme une pellicule
Keyvan Sayar
01/08/2001
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Poésie du jardin
La poésie au coin d'une rue,
Une poésie d'embouteillage,
La poésie au coin d'une page
Qu'un peu d'encre aurait mise à nu
Les yeux de l'Amour qui me percent
Le regard en fascination
Les lèvres mièvres, la graine de fièvre
La poésie qui se transperce
Enluminez-moi-tisation
Un vase, un pot, une petite chose
Où on verserait une liqueur
Le corps ouvert en cœur à cœur
Les rêves se fondraient dans la prose
Des idéaux à découvert
Et ses yeux si subliminaux
Ses yeux qui jouent aux dominos
Avec mon cerveau plein d'hiver
La poésie au coin d'un buis
Dans une petite prairie de paille
La poésie comme une faille
Les mots pour lui dire qui je suis
Qui je crois, quoi, pour lui dire : vois
La poésie comme un mystère
S'allongent les échos de la mer
A chaque tintement de mes pas
La poésie... comme un trépas.
Keyvan Sayar
27/11/99
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Paysage
Les arbres du jardin derrière le mur d'en face
S'étirent vers le bleu dans leurs robes de sang
Les oiseaux qui s'enchantent dans des chants qui s'enlacent
Moi qui cours et le monde est un tapis roulant
Dans l'univers du soir, l'aube n'est qu'un chemin
Le ciel est calme et plat comme un vaste ouragan
Nous plongeons dans l'eau froide en espérant en vain
Apaiser le malheur de notre front brûlant
Le vent souffle toujours, secoue les plumes vertes
Des arbres que nous sommes : des oiseaux plantés là
Qui aurait sans le cœur fait cette découverte ?
Qui aurait sans le cœur pu mourir sur la croix ?
KS
02/05/1999
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Les mots sont un poison
Sers moi encore un vers
Que je meure de t'entendre
Que tu meures de parler
Que ce soit ton amour de chanter
Qui m'emporte
Je ne pourrais souffrir
De mourir
Chuchoté
Keyvan Sayar
2000
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Le soleil a percé la nappe des nuages
Et m'a donné à moi un baiser sur la joue
Il s'est insinué jusqu'au creux de mon cou
A murmuré tout bas d'une voix douce et sage
Une chanson d'un autre âge
Dont je savais déjà les paroles et le goût
Keyvan Sayar 9/4/2000
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Je vois les vagues
et je divague
dis vaguement quelques mots blancs
comme l'écume, le goût des algues
Je vois les vagues de mon pays
Bretagne, terre de mer et de pluie
Bretagne rocher, caillou jauni
ton souvenir mouillé me nargue
je vois les vagues
et je divague
Keyvan Sayar
9/4/2000
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J'ai les mains tellement froides que j'ai perdu le souffle
Petits morceaux de dos qui se brisent en miettes
J'ai la Néva glacée qui me coule dans la tête
Dans ma gorge tout le chaud qui tousse et qui s'essoufle
Ks
(fin 1999)
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Echos d'Alhazred
Evacuez les clercs
De la salle du conseil
Conseillez mes amis
D'une manière plus sombre
Donnez-leur des idées
Qui trompent le sommeil
Donnez-leur des pensées
A faire trembler les ombres
Je veux dans vos mots rouges
Que vous mettiez la peur
Une peur qui palpite comme
Le sang dans les mains
Une peur qui dessine
Un infernal chemin
Je veux que par vos mots
Vous abolissiez l'heure
Keyvan Sayar
31/08/99
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Dans l'attente de toi
Dans l'attente de toi je m'étais étendu
Près des palmiers flétris de la vieille ville verte
Dans l'attente de toi et de la découverte
Je m'étais assoupi dans l'ombre de la rue
Les murs des maisons hautes qui un jour abritèrent
Quelque rêve envolé de nos lèvres amoureuses
Les hauts murs des saisons qui tant nous séparèrent
Printemps, été, automne, hiver
Tomberont en poussière d'une façon délicieuse
KS
2000
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La plage de sable fin
(le rêve du juriste)
Article deux mille deux cent vers l'alinéa trois
Cherche bien et regarde en dessous de la ligne
Tu verras une trace et l'ombre de ton doigt
Ouvrira le passage, tu sentiras un signe.
La cour de cassation flottera sur une barque
Sous les verts tamarins des marins déférés
Et quelques vénérables promeneurs dans un parc
S'entretiendront tout bas des propos du préfet
Les assises auront lieu plus que jamais debout
Elles donneront du coeur à tous les magistrats
Qui lèveront leurs robes à hauteur de genou
Et danseront une danse pleine de tout petits pas
Libre à perpétuité, l'horizon étincelle
Epris d'une mélancolie constitutionnelle
Tu marcheras sans fin sur les plages de sable
Préfecture de police, ô quiétude admirable
C'est fou tout ce qu'on peut faire rien qu'avec un bottin !
Keyvan Sayar
24/01/00
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Songe d'été
Sous un arbre fruité
Je me suis étendu
Comme l'oiseau j'ai chanté
Ciel m'as-tu entendu ?
J'ai chanté des mots rouges
Sucrés comme des groseilles
J'ai chanté des mots jaunes,
Arc-en-ciel et vermeil
Sous un arbre fruitier
Où je m'étais couché
Sous cet arbre fruité
Où je m'étais caché
Ciel m'as-tu entendu ?
J'ai chanté la vertu,
J'ai chanté l'amitié
Sous cet arbre fruitier
J'ai dit des poèmes purs
Et des poèmes pour
Dans ce trou de verdure
J'ai aperçu au détour
D'une chanson et d'un mot
Un sentiment essentiel :
L'amour qui vient d'en haut,
L'amour qui vient du Ciel
Ciel as-tu entendu
Ma petite chanson ?
Ciel te souviendras-tu
De moi, de cette saison
Sous un arbre fruité
Quand j'étais étendu
Quand pour toi j'ai chanté
Comme un oiseau perdu ?
Keyvan Sayar
29/10/97
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Rêverie versatile
Dans quelques vers entremêlés
La sève sucrée d'un secret
Tout doucement coulait, coulait
Et dans tes yeux ensoleillés
Un feu navrant de vérité
Tout doucement brûlait, brûlait
Si l'essence blême
De tous les coeurs qui s'aiment,
Identique bien des étés,
Palpitante et abusée
Semble être évaporée
Un cheval blanc
Dans une blanche grâce
M'emmène à quand
Sévira la trace
Qui bien des mots a su tromper
- Bien des lettres a enchanté -
Enchaîné d'illusions
Dans une cage de rêves
Je vis dans un nuage
Que quelquefois je crève
- Et de crier mon nom :
Ange... ou Démon -
Keyvan Sayar
28/01/98 - 04/02/98
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Chanson du soir
à Nolwenn
Un oiseau s'est posé sur la branche du soir
La lune doucement est venue se coucher
Blottie près des rochers, de la mer, près du phare
Et les vagues elles-mêmes ont cessé d'exister
Les poètes sont seuls certains jours de pluie
Dans leur coeur il fait froid et les yeux refermés
Ils cachent mille larmes, mille douleurs, mille cris
Où les vagues elles-mêmes ont cessé d'exister
J'ai vécu tant de troubles sur la mer des songes
Tant de fois j'ai failli couler et me noyer
Je sentais en mon coeur cette peine qui ronge
Comme une falaise que l'on longe
D'un pied maladroit sur le point de tomber
Triste comme le vent d'hiver, qui d'un souffle glacé
Erre jusqu'à atteindre les plus sombres ténèbres
J'étais emprisonné dans une prison de verbe
Où les vagues elles-mêmes ont cessé d'exister
Je croyais tout espoir pour demain interdit
Jusqu'à ce jour béni où tu es arrivée
Ton amour en mon coeur a ramené la vie
La lune dans tes yeux, ange, se reflétait
Et j'entendais les vagues douces qui murmuraient
- Dis-moi, avant ce jour ai-je vraiment existé ? -
Keyvan Sayar
22/04/98
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La Balade du Pendu
Un
Quand la nuit noire
Deux
Quand le verre tombe
Trois
Et je suis là
Tout petit mais je suis là
Un
A ceux qui rient
Deux
Pour ceux qui croient
Trois
C'est celui-ci
Quatre
Si c'est bien moi
Mais tout petit en bleu qui boit
Sans sa couronne chaussé hautbois
En quatre, en trois c'est moi, c'est moi
Un
Son coeur qui bat
Deux
Ses yeux qui voient
Trois
Et je suis là
En quatre en trois, c'est moi, c'est moi
Un
Pour les couleurs
Deux
Bonheur sucré
Trois
Quand les haleurs
Quatre
En sont tombées
Un, deux, trois
Et je suis là, et je suis las
Quatre égaré s'est dispersé
Cheval de Troie, habit de proie
Un jeu de l'oie désespéré
M'a emporté, m'a emporté.
Keyvan Sayar
01/07/98
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Les fleurs sur le tapis silencieuses s'effacent
Et les yeux de la nuit dans ce soir qui s'infuse
D'un chemin sinueux laissent la douce trace
Mon âme se répand dans la lumière diffuse
Sur le sol assombri peu à peu se dévoilent
Ces formes mélodieuses, ces tendres arabesques
Floralies colorées, langoureuses pétales
Et moi de m'allonger sur la splendide fresque
La toile n'a pas de fond, je me noie en son sein
Et la flore amoureuse contre moi qui se tasse
La nuit devient si noire, j'ai perdu le chemin
Les fleurs sur le tapis silencieuses s'effacent
Keyvan Sayar
12/12/98
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Eclaboussé
(et l'église Saint Eustache)
Et tout éveille en moi une incandescence unique
Quand le soir lentement achève de se farder
Coulent mes larmes d'encre, ruissellent mes pensées
Et que l'amour se pose dans ce ciel bleuet d'air
Une cathédrale antique devant moi est dressée
Je n'ai plus dans la main que des mots de poussière
A l'orée de mes yeux le désert a cessé
Voilà les tours jaunes, le soucieux presbytère
Voilà de Dieu enfin l'autre baiser volé !
Keyvan Sayar
19/12/98
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Such a shaggy dog story
à Philippe
Ce matin au réveil
Une odeur de groseilles
Parfum, mélancolie
Vert comme le soleil
Poor tangerine of me
It's a shaggy dog story
Les pains au chocolat
Dansent dans mon assiette
Les céréales aboient
Ca n'a ni queue ni tête
Frais comme un Nutella
Je me plonge sous la douche
Une vision : elle est là !
Je me noie dans la bouche
De la baignoire blanchie
It's a shaggy dog story
Affrontant les rapides
De la Seine, quitte Paris
L'eau qui devient limpide
Fraîche comme une daisy
Nageant tel un poisson
Dans d'imprévus bocages
J'ai regagné la rive,
Mes yeux, le paysage
Si gris usually
Qui pétille aujourd'hui
Une taupe me dit
"It's a shaggy dog story !"
De la faune si friendly
Me voici donc ami
Aphone je me retire
A l'ombre d'un grand tree
On dit que je suis fou
Loup-garou, Alice, lièvre
Et de mythologie
Que je suis un orfèvre
Que ne tiennent debout
Nulles de mes fibberies
C'est simplement, miaou
Que j'ai la vie shaggy !
Keyvan Sayar
13/05/98
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Au-delà du fleuve...
à Homa
Au-delà du fleuve
Où coulait le temps
Dans une ville veuve
En robe de sang
J'allais par les beaux soirs
Chanter quelques poèmes
Crier par la nuit noire
Sur les toits ma bohème
Au-delà du fleuve,
De ses eaux perdues
Des cerises rouges qui pleuvent
Et riment à perte de vue
Dans la rue
Je disais à demi mot
Des vers qu'on ne sait dire tout haut
Des vers qui ne sont vraiment beaux
Qu'ici : au-delà du fleuve
Où les ombres se meuvent
Cette fraîche odeur d'été
Sous le vieux cerisier
Quand la lune est couchée
Au-delà du fleuve
Keyvan Sayar
28/10/97 - 17/01/98
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Ma petite chanson
Une petite chanson
Toute petite
Si petite
Qu'elle tient dans un rayon de soleil
Ma petite chanson
Petit air à merveilles
Comme une boîte
De Pandore
Ou un coffre
A trésors
Ma petite chanson
Cette petite chanson
Par les jours de pluie
Par les jours qui sont
Je la chante toujours
Parfois elle dit oui
Parfois elle dit non
Mais elle est toujours
Ma petite chanson
Keyvan Sayar
20/09/97
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Ad Vitam
Le soir sur le bord noir du fleuve
Je marchais seul les bras ballants,
Je longeais l'onde péniblement
En t'attendant
Tous ces après-midis d'automne
A errer sur les pavés durs
Marcher jusqu'au bout des chaussures
En t'attendant
J'avais tellement, tellement de peine
Je marchais sans savoir pourquoi
J'ai perdu l'amour et la haine
J'ai perdu toi
Tu sais c'est tellement fragile
Un homme, c'est un château de cartes
C'est un colosse aux pieds d'argile
Il faut qu'il parte
Il faut qu'il aille, il faut qu'il marche
Il ne s'arrête que pour se rendre
J'ai donné ma vie à t'attendre
Et je me rends
Comment aurais-je pu me douter
Que tristement, au même instant,
Tu errais seule de ton côté
En m'attendant ?
Keyvan Sayar
04/11/00
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Les mots
(Poésie moderne cherche fous)
Prologue
(à déclamer sur un ton dramatique)
qui se souvient encore des mots ?
qui se souvient encore de dire
de murmurer, d'écrire, d'inscrire
d'apostropher, de sussurer,
d'implorer, de rire au délire ?
les mots
les tristes mots
les sombres mots
Assourdissants
Sombreros
Oyé, viva el Zero !
Le zéro mots, le morozo
Chanson
(à déclamer comme vous le voudrez)
Le silence, palme académique
est l'ennemi du Poémien
qui rime, qui vit, qui vit de rimes
qui vit de dire tout ce qui vient
Le silence mange le pain blanc
du Victorugo et de La belle Martine
Qui pour bien beurrer leurs tartines
Offrent à l'homme des tomes illico
Des tonnes de tomes, des tomawaks
Des tam-tams tomes, des tomes d'affaires
Des tomes qui vont la tête en l'air
Les pieds en bas et toment par terre
Littérature meurt en silence
Il faut écrire, il faut qu'ça danse
Il faut pourvoir de révérences
Le dieu poulet de la Sainte Plume
Le bon ouvrage est une enclume
Le bonne phrase une sentence
Il faut des Rambos comme Rimbaud
Qui savent d'une ligne faire une page
D'un grain de sable faire une plage
Et un océan d'un verre d'eau
Des Super Vielles, des Super Jeunes
Poètes commandos insensibles au jeûn
Qui, prêts à travailler pour une petite pièce
Feront de tout leur coeur opéra pour quat' sous
Poésie moderne cherche fous
Vraiment très fous de préférence
Si vous voulez tenter vot' chance
Prenez une feuille, écrivez nous
Keyvan Sayar
21 mai 2002
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Lisa
il y a bien longtemps
un siècle ou bien mille ans
nous nous sommes rencontrés
au détour d'un chemin
il y avait dans tes yeux
une enfance qui s'achève
tu m'as pris par la main
moi je ne disais rien
je te regardais vivre
tu parlais mon langage
tu connaissais les mots
que je croyais secrets
tu connaissais les jeux,
les couleurs d'un autre âge
- l' âge où personne n'est jamais sage -
et tu savais du ciel tous les trésors cachés
je te regardais, îvre
aucun mot ne pouvait...
il y avait le soleil, il y avait des nuages
il y avait tous ces rêves et le long des maisons
le long des rues, le long de l'allée des jardins
comme une ligne invisible, de la poussière d'étoiles
qui tombait de tes pas tout au long du chemin
Keyvan Sayar
21 Mai 2002
Tous droits réservés - Keyvan Sayar ©
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